De plus en plus d’entreprises sont confrontées à des obligations relatives au devoir de vigilance, qu’elles soient assujetties à la loi ou en relation commerciale avec une entreprise assujettie. Assurer la traçabilité d’un produit et contrôler la supply chain (ou chaine d’approvisionnement) sont donc devenus deux enjeux primordiaux mais chronophages pour les entreprises. La technologie blockchain et notamment les NFT permettent à celles-ci d’automatiser les choses tout en étant transparentes vis-à-vis des consommateurs.
A la suite du drame du Rana Plaza le 24 avril 2013, les pouvoirs publics et la société civile se sont interrogés sur la responsabilité des grandes entreprises et ont remise en cause le modèle de consommation à grande échelle ainsi que le fonctionnement des chaines de valeur, de la production à la livraison.
Il est ainsi apparu la nécessité de faire primer les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance dans toute la chaine d’approvisionnement (ou supply chain). Ces thématiques étaient déjà au cœur de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE ou ESG) mais il ne s’agit que de règles non contraignantes, jusqu’alors peu mises en œuvre.
C’est dans ce cadre que la loi relative au devoir de vigilance du 27 mars 2017 [1] a créé, dans le code de commerce, une disposition [2] obligeant les entreprises et groupes de plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 salariés en France et à l’étranger, à mettre en place un plan de vigilance.
Le plan de vigilance concerne les activités réalisées par la société assujettie mais également celles des filiales directes ou indirectes, des sociétés contrôlées, des fournisseurs, et des sous-traitants avec lesquels une relation commerciale durable est établie.
Dans le cadre de ce plan de vigilance, les entreprises doivent réaliser une cartographie des risques qui sera mise à jour régulièrement, et mettre en place des procédures d’évaluation régulière des filiales, fournisseurs et sous-traitants, des actions adaptées pour atténuer ou prévenir les risques, un dispositif d’alerte et un dispositif de contrôle et d’évaluation de l’ensemble.
Le 23 février 2022, la Commission européenne présentait une proposition de Directive sur le devoir de vigilance qui exigerait des entreprises la gestion des impacts sociaux et environnementaux de leurs activités tout au long de la chaîne de valeur. Ces dispositions s’appliqueraient à un panel plus large d’entreprises car les seuils pourraient être 500 salariés et 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, voire 250 salariés et 40 millions d’euros de chiffre d’affaires pour certaines industries comme le textile et l’agroalimentaire.
Même si les seuils étaient doublés comme le demandent certains Etats, nombre d’entreprises non assujetties seraient tout de même concernées, les grosses entreprises imposant parfois dans leurs contrats des clauses éthiques emportant la mise en œuvre d’actions liées au devoir de vigilance.
Parce que la traçabilité des produits est au cœur des préoccupations des consommateurs mais également des entreprises de certains secteurs comme le textile, l’agroalimentaire et le pharmaceutique, plusieurs d’entre elles ont fait le choix d’utiliser la technologie blockchain pour s’assurer de la traçabilité de leurs produits ainsi qu’une certaine transparence vis-à-vis des consommateurs.
Pour rappel, la technologie blockchain permet de créer des bases de données décentralisées, transparentes, sécurisées et infalsifiables. En effet, s’agissant d’un registre pouvant répertorier toute sorte d’information, il est possible d’y inclure des informations sur les produits, des transactions ainsi que des contrats.
Les entreprises peuvent ainsi créer sur la Blockchain un NFT (ou jetons non fongibles) pour chaque produit, qui correspondra à son carnet de suivi personnel et sur lequel figurent des informations sur chacun des acteurs de la chaine d’approvisionnement, à savoir le producteur, le transformateur, ou le distributeur. Ces informations (provenance, matériaux, certifications des fournisseurs, éco-responsabilité, etc.) sont aisément disponibles pour le client qui n’a qu’à scanner un QR code pour accéder aux informations.
Outre la transparence sur la provenance d’un produit, le NFT peut également informer le consommateur sur son authenticité et éviter les faux ou contrefaçons très présents dans l’industrie du textile mais également dans la pharmaceutique, secteur dans lequel la contrefaçon peut entrainer de sérieux problèmes de santé publique.
Par exemple, si une entreprise produit une collection de 3.000 sac à dos d’une série particulière, il y aura un NFT par sac, comportant un numéro de série et les éléments concernant les producteurs de matière première, le maroquinier et le distributeur. En cas de revente du sac, le NFT doit également être transmis au nouveau propriétaire.
La technologie blockchain permet donc à une entreprise de contrôler toute sa chaine d’approvisionnement et bien au-delà et ainsi de faciliter le travail d’audit. Cela aide à maintenir la confiance envers un fournisseur, un sous-traitant ou un prestataire et à obtenir celle des consommateurs.
[1] LOI n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre
[2] Article L.225-102-4 du code de commerce