Les NFT au service de la lutte contre le recel et la contrefaçon

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Ce qu'il faut retenir

Un NFT est un objet virtuel dont la traçabilité et l’authenticité sont garanties par la blockchain. Si aujourd’hui le grand public ne perçoit leur existence que par les collections de Crypto Punk ou Bored Ape, un grand nombre de cas d’usage peuvent être référencés.

Parmi ces cas d’usage, figurent les NFT-certificat ou NFT-authentification, qui permettent d’authentifier et d’identifier la propriété d’un objet physique. Cet usage permet notamment de lutter contre certaines infractions comme le recel et la contrefaçon.

Pour approfondir

L’absence de traçabilité, un fléau

Chaque année, plusieurs millions d’objets, qu’ils aient une grande valeur ou non, sont perdus, volés ou contrefaits, engendrant ainsi une perte de temps et d’argent pour de nombreuses personnes, notamment les autorités et les propriétaires.

Par exemple, l’Union Sport et Cycle estime que, sur les 2,5 millions de vélos vendus chaque année, 400.000 sont déclarés volés auprès des autorités publics, 100.000 sont retrouvés dans le cadre des enquêtes et seuls 8.000 sont restitués à leurs propriétaires. En effet, outre l’absence de plainte de nombreuses victimes de vol, le manque d’information sur les propriétaires des vélos entrave leur restitution.

Dans le même temps, la Fédération Horlogère Suisse évoque la distribution chaque année de plus de 40 millions de fausses montres alors que seuls 30 millions de montres authentiques sont produites.

Les objets ne possédant pas de « carte d’identité », certains en profitent pour créer un marché parallèle de produits contrefaits ou volés. Par ailleurs, lorsque ces réseaux sont déjoués, il peut s’avérer difficile de rendre les objets volés.

Qu’est-ce que la contrefaçon ?

La contrefaçon est une atteinte à un droit de propriété littéraire, artistique ou industrielle et chacune de ces atteintes correspond à une infraction spécifique à savoir la contrefaçon de brevet, la contrefaçon de marque et la contrefaçon d’œuvre littéraire et artistique.

L’arsenal répressif était assez sévère en ce que les peines pénales se cumulaient avec les sanctions douanières [1] mais cela n’est plus possible [2]. Si la loi du 11 mars 2014 [3] facilite l’exercice, par le titulaire de droits, d’une action pénale à la suite d’une retenue en douane, d’une saisie-contrefaçon ou de mesures conservatoires en prévoyant la possibilité de déposer une plainte simple auprès du procureur de la République, celle-ci demeure peu employée.

En effet, en matière de contrefaçon, le contentieux pénal reste relativement pauvre et la voie civile est privilégiée en raison du manque de rapidité et d’efficacité de la première. Par ailleurs, le contentieux civil est centralisé sur la juridiction de Paris [4], plus spécialisée, alors que le contentieux pénal est réparti à travers le territoire [5].

Sur le plan civil, la victime dispose d’actions spécifiques, notamment la saisie-contrefaçon à laquelle elle peut recourir avant d’engager une action au fond et qui permet d’aller chercher chez le contrefacteur présumé la preuve et l’étendue de la contrefaçon.

Qu’est-ce que le recel ?

Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit [6].

La chose doit être un bien corporel, à l’instar d’une montre ou d’un vélo, et peut avoir été acquise avec l’argent issu de la vente du produit de l’infraction. La chose peut être remplacée dans le patrimoine du receleur ou de l’auteur de l’infraction d’origine.

L’infraction de recel nécessite la preuve d’un crime ou un délit (vol, abus de confiance, escroquerie, etc.) mais l’auteur principal n’a pas obligatoirement à être poursuivi [7]. En effet, si le vol d’une montre ou d’un vélo est démontré, alors le receleur pourra être condamné même si le voleur ne l’est pas.

L’infraction de recel nécessite la connaissance, par le détenteur, de l’origine frauduleuse de la chose au moment où il est entré en sa possession [8]. Cette connaissance peut être déduite de l’impossibilité d’ignorer l’origine de la chose en raison des compétences et qualités professionnelles du receleur [9], notamment lorsqu’il s’agit d’une boutique spécialisée.

Ainsi, la vente d’un bien par un particulier, à un prix très inférieur au marché et dans des conditions anormales, doit alerter une personne raisonnable quant au risque de recel. Pour autant, la personne peut prouver sa bonne foi en démontrant qu’elle ignorait la détention ou la provenance délictuelle de la chose [10] notamment lorsqu’elle a acheté le bien chez un commerçant ayant pignon sur rue.

Le rôle des NFT dans la lutte contre les marchés parallèles

Le Jeton Non-Fongible (JNF) ou Non-Fongible Token (NFT) en anglais est un jeton numérique adossé à une blockchain qui ne peut pas être échangé contre un autre NFT, mais seulement contre un moyen de paiement à savoir une devise (euros, dollars, etc.) ou de la cryptomonnaie (BTC, ETH, etc.).

Depuis la création des premiers NFT en 2017, permise par la mise en place de la norme ERC-721, celui-ci est devenu un véritable outil de certification et d’authentification pour l’art mais également pour les objets de valeurs.

La création de NFT-certificat ou NFT-authentification, visant à assurer la vérification de l’authenticité et de la propriété des biens de luxe ou non, permettra à terme de lutter contre le marché noir lié au recel de vol ou d’escroquerie, ou à la contrefaçon, et de retrouver les propriétaires des biens détournés.

En effet, outre le droit de propriété unique, le NFT permet d’identifier de manière précise l’objet en question et permet de conserver toutes les données d’expertise telles que les photos, références, configuration, numéro de série, etc., ainsi que l’historique du carnet d’entretien.

La création de tels jetons offre une solution innovante, transparente et infalsifiable pour lutter contre ces infractions. Plusieurs marques de luxe ont déjà recours à cette technologie et des enseignes grand public commencent à s’y intéresser.

Lorsque le grand public aura pris l’habitude d’avoir un NFT lié à chaque bien matériel, il sera plus aisé d’identifier d’éventuels contrefaçons ou objets volés. En effet, là où la création de fausses factures papier, plus aisée, pouvait tromper n’importe quelle personne ou commerçant, l’absence de NFT alertera immédiatement l’acheteur qui pourra refuser l’opération et éviter de participer au recel d’une infraction. Si la création de faux NFT demeure possible, leur traçabilité permettra d’identifier que le créateur n’est pas la marque authentique.

Malheureusement, si les NFT permettent de lutter contre ces infractions d’un côté, elles permettent à d’autres délinquants de réaliser des contrefaçons de certains NFT et d’escroquer les détenteurs de NFT.

 

[1] Cass, crim, 17 janvier 2018, n° 16-85.951 ; Cass, crim, 4 avril 2018, n° 16-87.414

[2] Cass, crim, 5 janvier 2021, n° 20-80.390

[3] Loi n° 2014-315 du 11 mars 2014

[4] Articles D.211-6 du code de l’organisation judiciaire et D.631-2 du code de la propriété intellectuelle ; Cass, crim, 20 mars 2018, n° 16-84.564

[5] Décret n° 2021-1103 du 20 août 2021

[6] Article 321-1 du code pénal

[7] Cass, crim, 10 octobre 1972, n° 72-90.505

[8] Cass, crim, 24 janvier 1978, n° 77-90.320

[9] Cass, crim, 27 novembre 2007, n° 07-81.441

[10] Cass, crim, 12 décembre 1989, n° 89-81.448

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