Influenceurs : vigilance quant à la complicité et la provocation à la commission d’une infraction

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Ce qu'il faut retenir

Le Tribunal correctionnel de Toulon condamnait l’influenceuse Kim GLOW le 14 septembre 2022 pour complicité d’appels téléphoniques malveillants. Elle avait incité sa communauté à saturer d’appels le standard d’une entreprise de livraison.

Souvent considérés comme une zone de libre expression, les réseaux sociaux ne sont pas un espace de non-droit et le fait de donner son opinion de façon publique ne doit pas faire oublier que les contenus peuvent constituer des infractions.

Pour éviter de commettre l’impair de partager des contenus infractionnels à leur communauté et parfois d’inciter leurs followers à commettre des infractions, les influenceurs doivent prendre conscience de l’impact de leurs paroles et de leurs écrits et peuvent se former sur le risque pénal.

Pour approfondir

Les juges français ne voulant pas faire d’internet et des réseaux sociaux un espace de non droit, ils condamnent depuis plusieurs années les personnes publiant des contenus inappropriés constituant des injures, diffamations, provocation à la haine, etc.

Déjà en 2015, les auteurs des hashtags « #BrûlonsTousLesGaysSurDuLegion88 », « #LaChasseAuxPD » et « #LesGayDoiventDisparaitreCar » étaient condamnés pour provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur orientation ou de leur identité sexuelle [1].

Dans cette droite ligne, le Tribunal correctionnel de Toulon a récemment condamné l’influenceuse Kim GLOW le 14 septembre 2022 pour complicité d’appels téléphoniques malveillants. Elle avait incité sa communauté à saturer d’appels le standard d’une entreprise de livraison, en 2018, après avoir été livrée d’un canapé cassé dont elle avait signé le bordereau de livraison, et avoir partagé sa colère sur les réseaux sociaux : 40 appels en une journée furent recensés.

Dans le même temps, une enquête était ouverte contre Booba pour des faits de menaces, harcèlement et provocation à commettre une atteinte à l’intégrité de la personne en raison de sa religion ou de son sexe sur la personne de Magalie Berdah.

Ces affaires rappellent que certains influenceurs partagent chaque jour leur vie, leurs impressions, leurs opinions, leurs joies et leurs peines sur les réseaux sociaux auprès d’une communauté plus ou moins large et que leur notoriété peut avoir un véritable impact.

Si leur popularité intéresse les marques pour la promotion de produits, elle peut également avoir une incidence sur la pensée et les actions de cette communauté dont certains adulent la personne qu’ils suivent et sont prêts à tout pour leur idole.

Le principe de la liberté d’exception

La liberté d’expression est l’un des fondements de la démocratie garanti par la Convention européenne des droits de l’homme [2] et la Cour européenne des droits de l’homme [3], la déclaration des droits de l’homme et du citoyen [4], et les différentes législations nationales à travers l’Europe.

La liberté de la presse et l’accès à l’information jouent un rôle important dans cette liberté d’expression mais celle-ci n’est pas un droit absolu, doit être conciliée avec les autres droits constitutionnels et doit respecter les limites posées par le législateur.

 

L’incitation à la commission d’une infraction

Outre les dispositions relatives aux provocations à l’action spécifiques [5], il existe des infractions de provocation plus générale à la discrimination, la haine ou la violence, publique [6] ou non [7].

Une provocation est un acte positif, intentionnel, d’incitation manifeste à la discrimination, à la haine ou à la violence, ce qui n’exige pas un appel explicite à la commission d’un fait précis, dès lors que le propos tend à susciter un sentiment d’hostilité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes déterminé à raison d’un critère discriminatoire.

Le caractère public de la provocation se prouve par tout moyen, à savoir des discours, des pamphlets, des images ou tout moyen de communication au public par voie électronique dont Internet et les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram, TikTok, etc.). La notion de communauté d’intérêts doit être prise en compte s’agissant d’influenceurs même s’il est peu probable que celle-ci soit retenue dans le cas d’un influenceur dont le compte est public.

Lorsque le contenu a directement provoqué une personne à un crime ou un délit et que la provocation a été suivie d’effets, le créateur du contenu peut être punie comme complice de crime ou de délit[8],à l’instar de Kim GLOW.

Les provocations sont dites directes lorsqu’elles contiennent une incitation à adopter un comportement précis et les provocations sont dites indirectes lorsqu’elles visent à créer un état d’esprit particulier et que l’auteur des provocations n’incite pas à la commission d’infractions déterminées, mais cherche à inciter à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard de certaines personnes à raison d’un critère discriminatoire.

La provocation peut être faite par le biais de discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, par des placards ou des affiches exposés au regard du public, ou par tout moyen de communication au public par voie électronique (réseaux sociaux).

Dans le cas de Kim Glow, les instructions étaient particulièrement précises puisqu’elle appelait ses abonnés à multiplier les appels contre la société de livraison et la provocation a été suivie d’effets.

Sanctions

La provocation publique à la discrimination, la haine oula violence est passible d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende [9].

Le complice d’une infraction, encourt quant à lui les mêmes peines que l’auteur principal de l’infraction [10].

Mes préconisations


[1] TGI, Paris, 20 janvier 2015, association Comité IDAHO c/ M.X et a

[2] Article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme 

[3] Handyside c/ Royaume-Uni, 7 décembre 1976, n° 5493/72

[4] Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

[5] Provocation à la commission d’un génocide : Article 211-2 du code pénal ; provocation au suicide : Article 223-13 du code pénal ; provocation directe incitant un mineur à faire un usage illicite de stupéfiants : Article 227-18 du code pénal ; ou à la consommation habituelle et excessive d’alcool : Article 227-19 du code pénal 

[6] Articles 23, 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse 

[7] Article R.625-7 du code pénal

[8] Article 23 de la loi du 29 juillet 1881

[9] Article 24, al 5 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse 

[10] Article 121-6 du code pénal

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