Influenceurs et réseaux sociaux : publicités interdites ou contrôlées

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Ce qu'il faut retenir

La présence et le rayonnement des influenceurs ne cessent de croître chaque jour et les contenus illégaux ont un impact important sur les utilisateurs des réseaux sociaux et notamment les mineurs. Face aux différentes polémiques de ces derniers mois, les politiques ont décidé de saisir le sujet à bras le corps et de réguler le secteur d’activité et ses acteurs. Parmi les obligations figure notamment l’interdiction de faire la promotion de certains produits mais en réalité, la publicité de certains produits, services ou actes était déjà très encadrée par la loi.

Pour approfondir

Depuis une dizaine d’années, le nombre d’influenceurs sur les réseaux sociaux ne cesse de croître, de même que les dérives. Les publicités illégales et les contenus illégaux sont de plus en plus nombreux chaque jour sur les réseaux sociaux. Ceux-ci ont un impact considérable sur les communautés des influenceurs qui font ce type de publication, notamment lorsqu’il s’agit de mineurs, bien plus influençables. Malheureusement, de nombreuses personnes pensent que les influenceurs ne font que mettre en avant leur vie mais ignorent qu’ils font de la promotion pour laquelle ils sont rémunérés.

En 2022, la voix des lanceurs d’alerte et des victimes d’influenceurs s’est fait entendre et cette activité, jusqu’alors non régulée, fait maintenant l’objet de toutes les attentions des politiques, qui sont fermement décidés à réguler cette activité et à protéger les consommateurs.

Depuis novembre 2022, pas moins de quatre propositions de loi ont été déposées par les députés, le gouvernement a ouvert une consultation publique portant sur 11 mesures de régulation, dont les résultats viennent d'être communiqués, et une discussion s’est ouverte avec les professionnels de l’influence. Ces derniers ont choisi, pour parler d’une seule voix, de se réunir depuis le 18 janvier 2023 au sein de l’Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu (UMICC).

En parallèle le 23 janvier 2023, la DGCCRF faisait paraitre un communiqué de presse alertant sur les résultats des contrôles opérés depuis 2021. Elle précisait que 60 % des influenceurs et agences commettaient des manquements à la réglementation sur la publicité et notamment des actes de tromperie, de publicités illégales, etc.

Le principe de liberté d’expression

Pour rappel, la publicité relève par principe de la liberté d’expression et plus particulièrement de la liberté de communication, consacrée aux articles 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme [1].

La liberté de communication peut cependant être restreinte notamment par des formalités, conditions, restrictions ou interdictions prévues par la loi, dès lors que les mesures sont nécessaires à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale, à la sureté publique, à la défense de l’ordre public, à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui [2].

Les propositions de régulation

La dernière proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, enregistrée le 31 janvier 2023, devait être discutée à l’Assemblée nationale le 9 février 2023. En raison du manque de temps pour l’examiner, celle-ci a été retirée avec la promesse de déposer en mars une proposition de loi transpartisane plus étoffée. La proposition sera examinée en commission des Affaires économiques le 22 mars 2023 et sera ensuite débattue en séance publique à l’Assemblée nationale les 28 et 29 mars 2023.

La dernière initiative déposée par Arthur DELAPORTE et Stéphane VOJETTA ciblait plusieurs acteurs (influenceurs, agents, plateformes hébergeant les contenus). Evoquant l’existence de la promotion de médicaments, de produits cosmétiques dangereux, de produits vendus en dropshipping, voire d’abonnements à des pronostics sportifs bidons et des abus de compte CPF, les députés considéraient qu’il devenait primordial de lutter contre la propagation de pratiques commerciales trompeuses et frauduleuse.

Ce texte propose :

·      Un statut d’influenceur et un encadrement des ventes par promotion d’influenceur notamment en interdisant certains placements de produits sur les réseaux sociaux.

·      Un statut pour les agents d’influenceur.

·      De rendre obligatoire l’établissement d’un contrat écrit.

·      D’obliger les plateformes à mettre en place un canal de signalement des contenus illicites et à coopérer avec les autorités.

·      D’imposer une sensibilisation contre les risques d’escroquerie en ligne en milieu scolaire.

S’agissant de l’encadrement des ventes par promotion, la proposition de loi évoque l’interdiction de faire la promotion sur les réseaux sociaux des produits pharmaceutiques, des dispositifs médicaux, des actes de chirurgie, et des placements ou investissements financiers et actifs numériques entrainant des risques de perte pour le consommateur.

Sont également contrôlés les promotions d’abonnements à des pronostics sportifs, d’inscription à des formations professionnelles ainsi que des jeux d’argent et de hasard car les influenceurs devront afficher un bandeau sur l’image ou la vidéo indiquant que la promotion est réservée aux majeurs.

Le non-respect de ces interdictions ou encadrements peut être sanctionné, à l’instar de l’escroquerie, par une peine de cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.

En tout état de cause, les influenceurs devraient, lorsqu’ils font de la promotion pour un produit, un acte ou un service, afficher le caractère promotionnel de la publication sur un bandeau présent sur la photo ou la vidéo ainsi que l’identité du fournisseur.

Les publicités déjà interdites ou contrôlées

Parmi les manquements les plus relevés figurent les promotions d’alcool et de tabac pourtant encadrés par la loi EVIN. Les réseaux sociaux sont un vecteur majeur d’exposition au marketing en faveur de l’alcool (30,7 % des adolescents déclarent avoir été exposés à de la publicité pour l’alcool [3]) ou de la cigarette (condamnation en février 2022 de British American Tobacco pour publicité de produits de vapotage [4]). La lutte contre le tabagisme et la lutte contre l’alcoolisme étant des objectifs de santé publique, elles justifient une restriction de communication des publicitaires.

Dans l’objectif de lutter contre l’alcoolisme, la loi Evin de 1991 [5], est venue restreindre la liberté de communication concernant les boissons contenant de l’alcool. En 2016 [6], les articles L.3323-3-1 et L.3323-2 du code de la santé publique sont venus préciser cette contrainte.

Ne sont donc pas considéré comme de la publicité les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatives à une région de production, à une toponymie, à une indication géographique, à un territoire, à un itinéraire, à une zone de production, à un savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité, de l’origine ou protégée.

La loi définie limitativement les supports sur lesquels ou via lesquels la publicité.

Seuls les contenus faisant référence directement aux boissons alcoolisées sont interdits, sauf lorsque celui-ci est transmis par presse écrite (à l’exclusion des publications destinées à la jeunesse), la radio (dans certains tranches horaires), l’affichage à l’intérieur de lieux de vente spécialisés, les circulaires, brochure et catalogues commerciaux (sous réserve du respect des mentions), les véhicules de livraison. Depuis 2009, la publicité est autorisée sur Internet à l’exception des sites principalement destinés à la jeunesse, ou dédiés au sport et/ou à l'activité physique.

Sauf cas particuliers, les publicités doivent comporter un message sanitaire préventif « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». La mention « À consommer avec modération » installée par l'usage n'est pas réglementaire.

La loi interdit également les opérations de parrainage (lors des manifestations sportives, festives ou culturelle) par les producteurs de boissons alcoolisées. Seul le mécénat est autorisé.

Les réseaux sociaux Facebook, Instagram ou Twitter ne sont pas considérés comme principalement destinés à la jeunesse. La publicité de boissons alcoolisées y est donc autorisée. Toutefois, attention aux formats publicitaires employés qui doivent être identifiables comme publicités, ne doivent pas inciter à la consommation d’alcool et ne doivent pas être intrusifs (pop-up, bannières).

Dans l’objectif de lutter contre l’addiction du tabac et des produits du tabac, la loi Evin est venue restreindre la liberté de communication concernant le tabac et les produits du tabac avec une interdiction de faire de la publicité directe et indirecte [7] ou de la communication commerciale, quel qu’en soit le support [8].

Il existe une seule exception pour les publications éditées par des organisations professionnelles à destination des producteurs, fabricants et distributeurs [9]. Les influenceurs ne faisant pas partie de ces catégories, ils ne peuvent en aucun cas faire de la pub pour du tabac ou des produits du tabac. 

Sont également encadré les publicités relatives à des produits pharmaceutiques et cosmétiques [10], à des actes de médecine [11] ou de chirurgie esthétique [12], à des produits alimentaires avec des mentions obligatoires [13], aux jeux d’argent et de hasard [14], au crédit à la consommation [15], etc.

[1] CEDH, 20 novembre 1989, Markt Interne Verlag GmbH et Klaus Beermann c/ RFA

[2] Article 20 COEDH

[3] Tendances, février 2018, OFDT, Les drogues à 17 ans : analyse de l’enquête ESCAPAD 2017

[4] Vapotage : British American Tobacco encore condamné pour ses publicités, 100.000 euros d'amende, 20 minutes

[5] Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme

[6] Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

[7] Article 3511-3 code de la santé publique

[8] Cass, crim, 15 juin 2011, n° 10-86.995

[9] Article L.3511-3 code de la santé publique

[10] Articles L.5122-1 et s du code de la santé publique

[11] Articles R.4127-19 et s. du code de la santé publique

[12] Article L.6322-1 du code de la santé publique

[13] Article R.2133-1 du code de la santé publique

[14] Décret n° 2010-624 du 8 juin 2010

[15] Article L.312-6 du code de la consommation

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