Après de longues discussions entre les sénateurs et les députés, la Commission mixte paritaire a élaboré un texte consensus qui a été approuvé par l’Assemblée nationale le 31 mai 2023 puis par le Sénat le 1er juin 2023. Désormais promulguée, il s’agit de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
Depuis 2022, des victimes d’influenceurs et des lanceurs d’alerte font part de leurs inquiétudes quant aux dérives de plus en plus nombreuses sur les réseaux sociaux et déposent des plaintes pour escroquerie, abus de confiance, publicité trompeuse, etc. Le secteur de l’influence, dont l’essor depuis quelques années est considérable, a fini sous les feux des projecteurs en raison des différents manquements aux obligations éthiques et légales.
Ces diverses polémiques et l’absence de définition précise du statut d’influenceur ont contraint le gouvernement et le législateur à agir pour proposer une régulation du secteur. Plusieurs propositions de loi ont été enregistrées entre novembre 2022 et février 2023 et une consultation publique avait été lancée par le gouvernement en janvier 2023.
Une première proposition de loi devait être examinée en février 2023 mais a été retirée au profit d’une proposition transpartisane. Cette dernière a été élaborée de concert avec le ministère de l’Economie et des Finances, le collectif d’aide aux victimes d’influenceurs (AVI) et l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenus(UMICC).
Avant l’adoption du texte, le ministre de l’Economie et des Finances a présenté le 24 mars 2023 les premières mesures d’accompagnements des influenceurs et de protection des consommateurs et a publié un guide de bonne conduite pour les influenceurs et créateurs de contenus. Il créait en parallèle une équipe dédiée au sein de la DGCCRF chargée de répondre aux signalements des internautes et de faire appliquer la nouvelle législation.
La proposition de loi, dans sa version élaborée par la Commission mixte paritaire, était votée les 31 mai et 1er juin par les parlementaires et était promulguée le 9 juin 2023. En parallèle, la DGCCRF révélait le nom de plusieurs influenceurs reconnus responsables de pratiques commerciales trompeuses et leur enjoignait de publier sur leurs réseaux sociaux le post de la répression des fraudes informant le public de ces pratiques.
Le nouveau texte pose en premier lieu une définition de l’influenceur commercial par voie électronique. Il s’agit des « personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque ».
Seront donc considérés comme influenceur commercial toute personne qui reçoit une rémunération en échange d’une publication mais également toute personne qui se voit offrir une prestation ou un avantage pour en faire la promotion. Dans cette dernière catégorie, on peut retrouver les chambres d’hôtel, les restaurants, les produits de beauté ou alimentaires, les vêtements, etc.
Lorsque l’activité d’une personne entre dans cette définition et exerce une activité professionnelle, l’influenceur est contraint de respecter un certain nombre d’obligations. Parmi ces obligations, figurent celles que tout entrepreneur doit respecter, à savoir l’enregistrement d’une entreprise ou d’une société et la déclaration des revenus entrainant le paiement de cotisations et d’impôts. En l’absence de ces déclarations, l’influenceur risque d’être poursuivi pour travail dissimulé ou fraude fiscale par exemple.
Le texte définit les publicités interdites et celles qui sont contrôlées notamment via des messages de prévention.
Il est expressément fait interdiction aux influenceurs de promouvoir :
En matière de promotion des jeux d’argent et de hasard, un bandeau indiquant que les jeux sont réservés aux majeurs doit apparaitre sur la publication et de telles promotions ne peuvent être faites que sur les plateformes en ligne offrant la possibilité d’exclure de l’audience les mineurs. Les manquements sont sanctionnés d’une amende de 100.000 euros.
La vente ou l’offre promotionnelle d’un produit, ou la rétribution en échange d’une inscription à une action de formation éligible au CPF est également concernée.
Tout manquement à ces dispositions constitut un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende ainsi que des peines complémentaires d’interdiction d’exercice de l’activité, sous réserve des sanctions prévues spécifiquement pour certains manquements.
Lorsque la publication relève de la promotion d’un bien, d’un service ou d’une cause, cela doit être explicitement mentionné via les mentions « publicité » ou « collaboration commerciale ». L’absence de cette indication constitue une pratique commerciale trompeuse punie de deux ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende.
Lorsque la publication comprend des images ayant fait l’objet de modifications visant à affiner ou épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage, la mention « image retouchée » devra figurer de façon visible. De la même manière, l’usage d’une intelligence artificielle pour représenter un visage ou une silhouette doit être identifié avec la mention « image virtuelle ».
Lorsqu’il s’agit d’une formation professionnelle financée par le compte CPF, la publication doit préciser la nature du financement, les règles d’éligibilité, la dénomination sociale du responsable de la formation, le n° SIRET, etc.
Tout manquement à ces dispositions constitut un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 4.500 euros d’amende.
L’influenceur devra également mentionner l’identité du fournisseur du produit ou du service, s’assurer de la disponibilité du bien, de l’existence d’un certificat de conformité aux normes européennes et de l’absence de contrefaçon. L’influenceur demeure responsable de plein droit à l’égard des acheteurs de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, y compris si ces obligations sont exécutées par un prestataire.
Par la modification de l’article L.7124-1 du code du travail, le législateur souhaite protéger les mineurs notamment en imposant la demande d’une autorisation individuelle préalable accordée par l’autorité administrative en cas de diffusion d’enregistrements audiovisuels en ligne.
Les enfants de moins de seize ans exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique définie à l’article 1er de la présente loi sont soumis à la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
Les réseaux sociaux doivent mettre en place, conformément au Règlement sur les services numériques (DSA) du 19 octobre 2022, un mécanisme de signalement permettant à toute personne de signaler un manquement ou une infraction et notamment l’absence des mentions d’information.
Dans le cadre des signalements, ils devront veiller à prioriser le traitement des alertes émises par les « signaleurs de confiance » au sein du DSA. Dès réception d’une injonction d’agir contre un contenu illicite émise par une autorité, la plateforme doit informer celle-ci des suites données à l’injonction et devront mettre tout en œuvre pour procéder au retrait du contenu le plus rapidement possible.
Ils devront mettre à disposition chaque année des rapports sur les activités de modération des contenus en mentionnant le nombre d’injonctions reçues de la part des autorités.
Le texte définit l’activité d’agent d’influenceur comme celle qui consiste, « à représenter à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité [d’influenceur commercial] avec des personnes physiques ou morales, et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services, des pratiques ou une cause quelconque. ».
Les agents doivent garantir la défense des intérêts des influenceurs et doivent s’assurer de la conformité de leur activité à la présente loi et de l’absence de tout conflit d’intérêts, notamment en rédigeant une procédure de gestion des conflits d’intérêts.
Ils doivent rédiger un contrat écrit pour régir leurs relations avec les influenceurs à moins que la rémunération ou la valeur totale de l’avantage en nature de l’influenceur soit inférieure à un montant fixé par décret. Un tel contrat écrit devra également être rédigé avec l’annonceur ou le mandataire en l’absence d’agent.
Lorsqu’ils sont établis en dehors de l’Union Européenne et qu’ils exercent l’activité d’influence en France, les influenceurs doivent désigner un représentant légal établie au sein de l’UE, ce représentant étant son agent lorsque celui-ci est établi au sein de l’UE.
Le représentant doit garantir la conformité des contrats lorsque l’activité vise un public établi sur le territoire français.
Le représentant légal sera responsable des promotions faites par l’influenceur, et sera le partenaire contractuel du fournisseur de biens ou de services qui désire faire la promotion. Il devra donc souscrire une assurance civile professionnelle pour couvrir cette activité.