Fédérations, organisateurs et gestion de la billetterie sportive : Attention aux poursuites pénales

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Ce qu'il faut retenir

Les fédérations et organisateurs d’évènements sportifs doivent gérer la billetterie, ce qui implique également la prévention de certaines infractions pouvant être commises en interne mais également en externe. Il est ainsi possible de mettre en place une politique de gestion des cadeaux et invitations et d’inclure dans certains contrats une clause d’audit liée à des obligations.

Pour approfondir

Les fédérations sportives et les organisateurs d’évènements sportifs sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations et compétitions qu’ils organisent [1]. La billetterie de ces évènements étant un revenu direct, elle fait partie du droit d’exploitation [2], ce pourquoi il appartient aux fédérations et organisateurs d’assurer la gestion de la billetterie.

La gestion de la billetterie comprend en majorité la vente directe ou indirecte au public, mais elle peut également concerner des ventes privilégiées à des partenaires à charge pour eux d’en faire un usage déterminé, ou le don direct de billets.

La gestion en interne des cadeaux et invitations

En sus de la billetterie classique, les fédérations et organisateurs d’évènements sportifs sont amenés à faire don de certains billets dans le cadre de leurs relations d’affaires et de leurs relations publiques. C’est dans ce cadre que peuvent être commises certaines infractions dont la nature dépend de la qualité de l’auteur.

La corruption passive est le fait, pour une personne, de solliciter ou d’agréer, directement ou indirectement, des offres, promesses, dons, présents, ou avantages dans l’objectif de réaliser un acte de sa fonction. La corruption active quant à elle est le fait de proposer de tels avantages pour obtenir un acte [3]. La corruption est dite :

  1. Publique lorsque le corrompu est dépositaire de l’autorité publique, chargé d’une mission de service public ou investi d’un mandat électif public ;
  2. Privée lorsque le corrompu exerce des fonctions de direction ou travaille pour une personne privée.

Le fait d’offrir des billets pour des évènements sportifs, souvent de grande ampleur, peut parfois être considéré comme un acte de corruption si ce don a permis d’obtenir un avantage de la part de la personne (contrat, réduction, sponsoring, partenariat, etc.).

Cet acte sera qualifié de trafic d’influence lorsque le cadeau ou l’invitation aura pour objectif de solliciter l’influence d’une personne pour quelle intervienne auprès d’une autre personne.

Lorsque la fédération ou l’organisateur est dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public par exemple, le fait de détruire, détourner ou soustraire un acte, un titre, des fonds ou tout objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission peut s’apparenter à un détournement ou une soustraction de biens publics [4].

Ainsi, si l’agent qui a accès aux billets en récupère pour un usage personnel, voire s’il les revend au détriment de la fédération ou de l’organisateur, celui-ci peut être poursuivi pour détournement de biens publics.

L’abus de biens sociaux est le fait pour le gérant de certaines sociétés commerciales de faire usage d’un bien, d’un crédit, de pouvoirs ou de voix de la société, contraire aux intérêts de cette dernière, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle il est directement ou indirectement intéressé [5]. Lorsqu’il s’agit d’une société civile ou d’une association, ce type d’agissements est considéré comme un abus de confiance [6].

Ainsi, le fait de faire un usage personnel des billets pour des évènements sportifs peut constituer un abus de biens sociaux ou un abus de confiance dès lors que cela aura porté préjudice à la société.

La gestion interne des billets doit être scrutée de près et doit faire l’objet d’une identification des risques propres à chaque structure.

La gestion en externe des billets cédés

La plainte déposée par la Fédération Française de Tennis auprès du Parquet national financier le 16 mars 2023 et le récent signalement d’Anticor, quant à l’utilisation opaque des billets pour Roland Garros, permettent de s’interroger sur les droits des personnes détentrices d’un billet et notamment lorsque celui-ci est fourni dans un objectif précis.

Depuis 2017, et une décision du Comex, seule la Fédération Française de Tennis est habilitée à vendre les billets pour Roland Garros. Depuis lors, les ligues avaient uniquement la possibilité d’acquérir des places pour leurs relations publiques, la revente ou un autre usage étant interdits.

La ligue Auvergne-Rhône-Alpes est accusée d’avoir monnayé 80 places contre des contrats de sponsoring pour l’édition 2020 et le Comité de Paris est accusé d’avoir revendu les billets via une société d’évènementiel dont l’actionnaire est l’épouse de son président. Ils sont accusés à ce titre de détournement de biens publics mais une telle revente ou cession serait susceptible de constituer d’autres infractions selon les circonstances et la qualité des acteurs en question.

Les fédérations et organisateurs ayant un droit d’exploitation sur les manifestations sportives qu’ils organisent, il leur appartient de définir les droits attachés au transfert d’un billet. Ils peuvent ainsi autoriser ou non la revente et peuvent également définir un usage déterminé des billets cédés.

Ce droit d’exploitation est protégé à plusieurs titres et notamment par des infractions spécifiques à la revente illégale des billets. Si dans un premier temps seule la vente à la sauvette [7] était réprimée, une loi de 2012 est venue sanctionner la revente habituelle de titres d’accès à une manifestation sportive sans autorisation [8].

L’abus de confiance est le fait de détourner des fonds, des valeurs ou un bien qui ont été remis à titre précaire [9], à charge pour la personne de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé [10]. L’abus de confiance nécessite donc l’absence de transfert de propriété [11].

Si la fédération ou l’organisateur vend des billets aux ligues ou aux clubs par exemple, le transfert de propriété empêche la qualification de l’abus de confiance. En revanche, si les billets ont expressément été donnés aux ligues ou aux clubs à charge pour eux de les donner à des partenaires commerciaux ou des relations publiques, tout usage contraire pourrait être caractérisé d’abus de confiance.

En revanche, si aucune précision n’est faite quant à un usage précis des billets donnés aux ligues ou aux clubs, ces derniers peuvent en faire l’usage qu’ils souhaitent, à l’exception de la revente.

 A l’instar de la fédération ou de l’organisateur, le don de billets au titre des cadeaux et invitations peut être qualifié de corruption ou de trafic d’influence.

 

Ces infractions n’étant que des exemples, la gestion externe des billets doit être également prise en compte dans le cadre de l’identification des risques propres à chaque structure.

 

Comment prévenir ces infractions

S’il n’existe aucune obligation d’adopter une politique spécifique, les fédérations et les organisateurs d’évènements sportifs ont tout intérêt à adopter une procédure relative aux cadeaux et invitations. Celle-ci permettra de définir qui peut bénéficier des billets, dans quelle proportion, à quel moment, etc., et permettra d’établir un outil de déclaration des cadeaux et invitations pour avoir une trace de ceux-ci.

L’objectif de cette procédure n’est pas d’interdire les cadeaux et invitations qui relèvent de l’usage dans le secteur sportif, mais plutôt d’encadrer cette pratique pour éviter toute dérive et pour pouvoir justifier chaque situation auprès des autorités.

Lorsque des billets sont cédés à des tarifs préférentiels ou en priorité, voire donnés à des ligues ou clubs avec l’objectif que ceux-ci soient utilisés pour un usage précis, il peut être utile d’inscrire dans le contrat l’existence de celui-ci.

Afin de s’assurer que les partenaires respectent l’usage des billets, il peut être utile d’inscrire une clause d’audit, permettant à la fédération ou à l’organisateur de l’évènement de solliciter les justificatifs relatifs à l’usage des billets. Cela permet de contrôler ces acteurs mais également de les sanctionner en cas de non-respect notamment en les retirant de la liste des bénéficiaires de ces tarifs préférentiels, de cette priorité ou de ces dons.


[1] Article 333-1 du code du sport

[2] TGI Paris, 25 janvier 2018, n° 17/13903.

[3] Articles 445-1, 445-2, 432-11, 433-1 du code pénal

[4] Article 432-15 du code pénal

[5] Article L.242-6 et L.241-3 du code de commerce

[6] Cass, crim, 28 janvier 2004, n° 02-88.094

[7] Article 446-1 du code pénal

[8] Article 313-6-2 du code pénal - Loi n° 2012-348 du 12 mars 2012.

[9] Cass, crim, 19 septembre 2007, n° 06-86.343

[10] Article 314-1 du code pénal.

[11] Cass, crim, 25 novembre 2020, n° 19-85.740

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