Esport et travail dissimulé : Attention au risque de requalification du contrat de prestation de service

Contactez-moi

Ce qu'il faut retenir

Si un contrat de travail à durée déterminée spécifique au secteur du eSport a été créé en 2016, son inadaptation à l’activité implique un usage du contrat de prestation de service par les clubs et joueurs professionnels. Le risque de requalification en contrat de travail et de condamnation pour travail dissimulé doit être pris en compte par les clubs et par les pouvoirs publics pour qu’un nouveau CDD répondant aux besoins du secteur soit créé.

Pour approfondir

Le CDD eSportif et ses limites

En principe le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) est de droit commun et le contrat de travail à durée déterminée (CDD) est l’exception. Dans certains secteurs d’activités particuliers, où l’usage du CDI est inadapté, un CDD spécifique a été créé ce qui est le cas en matière de sport et de eSport.

En effet, la loi du 7 octobre 2016 [1] a introduit un contrat de travail spécifique appelé CDD eSportif similaire au CDD Sportif. Le CDD eSportif est signé entre le joueur professionnel et l’association ou la société bénéficiant d’un agrément du ministre chargé du Numérique. Pour l’heure, seuls une dizaine d’équipes ont sollicité et obtenu cet agrément.

En principe, le CDD eSportif dure le temps d’une saison, à savoir 12 mois, et les dates sont fixées par arrêté du ministre chargé du Numérique, en fonction du jeu et du circuit de compétition.

Si le CDD eSportif peut paraître une aubaine pour les clubs et les joueurs, la réalité est tout autre et le contrat de prestation de service lui est préféré en majorité.

En effet, le CDD eSportif est inadapté notamment en raison de :

Le contrat de prestation de service et son risque pénal

Le contrat de prestation de service est quant à lui bien plus flexible et permet d’adapter au mieux le contrat avec les besoins de chaque joueur et de chaque club.

Cependant, selon la rédaction des contrats et leur exécution, il y a un risque important de requalification du contrat de prestation de service en contrat de travail et donc un risque de poursuite devant les autorités pour travail dissimulé.

Le travail dissimulé est un délit [2] qui correspond à deux formes distinctes à savoir la dissimulation d’activité et la dissimulation d’emploi salarié.

En cas de dissimulation d’emploi salarié, l’employeur se soustrait à l’accomplissement de la déclaration nominative préalable à l’embauche ou à l’élaboration des bulletins de paie, voire à la déclaration des salaires et cotisations sociales [3], en toute connaissance de cause sachant que la présomption d’intention est instituée par le juge.

En présence d’un auto-entrepreneur ou d’un indépendant, l’inspecteur du travail peut estimer qu’il est nécessaire de procéder à une requalification en contrat de travail et ainsi qualifier l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié [4]. En revanche, il appartiendra à l’inspecteur du travail de prouver le caractère salarié du contrat en présence d’une immatriculation au RCS dès lors que cela implique une présomption de non-salariat.

Pour démontrer l’existence du salariat, il est nécessaire de rapporter la preuve d’un lien de subordination [5]. Il peut se caractériser par la présence d’ordres et de directives, par le contrôle de l’exécution du travail et le pouvoir de sanction, étant entendu que la présence d’un service organisé peut constituer un indice [6].

Pour éviter cette requalification et le risque de poursuite pour travail dissimulé, les clubs doivent porter une attention toute particulière à certaines clauses comme la clause d’exclusivité, la clause de rupture unilatéral, la clause liée au sponsoring, la clause liée au temps de travail et aux horaires, et les modalités de rémunération.

Une nécessaire modification du CDD eSportif

Afin d’éviter que tout un secteur soit confronté, à un risque de précarité pour les joueurs et à un risque pénal pour les clubs, il appartient désormais au législateur d’adopter un CDD eSportif correspondant réellement aux besoins spécifiques de ce secteur émergent.

[1] Article 102 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique modifié par l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017

[2] Article L. 8221-1 I du code du travail

[3] Cass, crim, 1er décembre 2015, n° 14-85.480

[4] Cass, crim, 10 janvier 2017, n° 15-86.580 ; CA Paris, 20 avril 2017, n° 17/00511

[5] Cass, crim, 10 janvier 2017, n° 15-86.580

[6] Cass, soc, 4 mars 2020, n° 19-13.316

La cybersécurité : un défi pour les grands évènements sportifs

2/10/2023

Violences volontaires ou involontaires commises par les supporters : le fléau des manifestations sportives

4/9/2023

Fédérations et neutralité : Possibilité d’interdire le port de signes religieux ostensibles

28/8/2023

Fédérations, ligues, clubs et grands évènements : Vigilance quant au risque de rançongiciel

3/7/2023