Clubs sportifs : L’intérêt de l’application du dispositif anticorruption

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Ce qu'il faut retenir

La lutte contre la corruption dans le secteur du sport est aujourd’hui une grande préoccupation pour les clubs sportifs. Nombre d’entre eux ne sont pas soumis à la loi Sapin II, mais il peut pour autant leur paraitre opportun de créer une politique anticorruption.

Une telle démarche, incluse à la stratégie RSE, permettra de se différencier des concurrents, mais également de prévenir et détecter certains agissements.

Pour approfondir

De nombreuses affaires de corruption entachent le secteur du sport depuis plusieurs décennies et représentent un fléau important. Dans ce contexte, la France érige en priorité la promotion de l’intégrité dans les organisations et évènements sportifs et ce d’autant plus qu’elle accueille prochainement deux évènements mondiaux majeurs, la Coupe du monde de Rugby 2023 et JO Paris 2024.

La France contribue ainsi aux réflexions internationales sur la lutte contre la corruption, notamment au travers du Partenariat international contre la corruption dans le sport (IPACS) et met en œuvre cette priorité au travers de la clause anticorruption des JO Paris 2024 ou de la rédaction des guides par l’Agence Française Anticorruption : Le guide sur la prévention des atteintes à la probité à destination des fédérations sportives et le guide sur la prévention des atteintes à la probité à destination des opérateurs du ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Si les guides mis en place par l’Agence Française Anticorruption évoquent principalement les acteurs publics sportifs, ils peuvent être une source d’inspiration pour les acteurs privés et notamment les grands clubs sportifs.

L’opinion publique, les sponsors et les investisseurs attendent aujourd’hui des clubs sportifs une prise en compte des valeurs ESG (Environnement, social et gouvernance) et notamment la mise en place de procédure de prévention et de détection des risques de corruption.

Le rappel du dispositif de la loi Sapin II

La loi Sapin II du 9 décembre 2016 est née de la volonté d’améliorer les outils français de lutte contre la corruption, de la volonté de faire échec à l’application des lois extraterritoriales et de la volonté d’inclure les entreprises au cœur de cette lutte. Cette loi, entrée en vigueur le 1er juin 2017, a créé l’Agence Française Anticorruption (AFA), instauré le statut de lanceur d’alerte et la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), et a surtout érigé des obligations en matière de lutte contre la corruption.

Cette loi impose une obligation générale de prévention et de détection des faits de corruption et de trafic d’influence aux sociétés et groupes de sociétés dont le siège social est situé en France, contenant au moins 500 salariés et ayant un chiffre d’affaires d’au moins 100 millions d’euros.

Cette obligation se décline, outre l’engagement de l’instance dirigeante, en huit mesures, à savoir :

·      La réalisation d’une cartographie des risques, mise à jour régulièrement ;

·      L’instauration d’un code de conduite ;

·      La mise en œuvre d’une procédure d’évaluation des tiers ;

·      La mise en œuvre d’une procédure comptable ;

·      Le déploiement du dispositif d’alerte interne ;

·      La mise en place d’un dispositif de formation ;

·      L’implémentation d’un dispositif de contrôle et d’évaluation interne ;

·      L’élaboration d’une procédure disciplinaire.

Le respect, par les assujettis de ces obligations, est contrôlé par l’Agence Française Anticorruption qui, pour aider ceux-ci, a publié des recommandations mises à jour en janvier 2022 et des guides sectoriels.

 

L’intérêt de l’application d’un dispositif anticorruption

Si certains clubs sportifs dépassent aisément le seuil du chiffre d’affaires minimum, peu dépassent l’ensemble des seuils et notamment celui du nombre de salariés. Par conséquent, très peu de clubs sont en réalité assujettis à la loi Sapin II. Pourtant, il peut être opportun pour eux de mettre en place un programme similaire à celui exigé par la loi Sapin II, à l’instar de l’Olympique lyonnais.

Les grands clubs sportifs sont en concurrence permanente et l’intégration d’un programme de lutte contre la corruption leur permet de se distinguer des autres et de créer une barrière structurelle à l’entrée de nouveaux clubs sur le marché.

Par ailleurs, et depuis quelques années, l’éthique au sein du secteur sportif, et donc la réputation des clubs, a un fort impact sur ses supporters, sur l’opinion public mais également, et surtout, sur les investisseurs et les sponsors.

En effet, les investisseurs et sponsors, souvent de très grosses entreprises, sont parfois soumises à des obligations de lutte contre la corruption en interne et peuvent :

Plus encore, les valeurs d’un club peuvent avoir une importance pour les sportifs eux-mêmes. En effet, certains joueurs peuvent intégrer dans leurs critères, lors du choix d’un club, des valeurs éthiques et ainsi prendre en considération l’existence d’un programme RSE et de lutte contre la corruption.

Ainsi, la lutte contre la corruption et la mise en place de procédure de prévention et de détection de ces risques, ne doivent plus être uniquement perçus comme un coût pour les clubs sportifs, mais bien comme une opportunité pour conserver une réputation optimale et attirer les meilleurs joueurs, les meilleurs sponsors, ainsi qu’un grand public.

Le club qui ne mettrait pas en place une politique de lutte contre la corruption et notamment la procédure d’évaluation des tiers ou un système de contrôle interne, s’expose non seulement à subir des infractions mais également à en commettre.

En effet, les juridictions estiment désormais que la victime peut avoir commis une faute lorsqu’elle ne respecte pas ses obligations de conformité ou lorsqu’elle a fermé les yeux sur une situation non conforme. Cela permet ainsi de réduire l’indemnisation de la victime [1]. Pour éviter une telle situation, le club a tout intérêt à respecter ses obligations mais également à aller au-delà.

Il convient également de se rappeler que la responsabilité pénale du club peut être engagée en cas d’agissements délictuels de l’un de ses organes ou représentants [2] (dirigeants ou délégataires de pouvoirs) commis pour son compte. Au-delà d’être sanctionnée pour sa contribution à l’infraction, il peut être reprochée à la personne morale l’absence de mise en conformité [3] ou la présence d’une conformité de façade [4].

Ainsi, le club a tout intérêt à mettre en place une politique interne visant à détecter et prévenir les risques de corruption pour limiter la commission d’infractions et mettre en avant l’effectivité de cette procédure devant les autorités.

La mise en œuvre effective d’un programme de lutte contre la corruption est d’autant plus importante qu’elle a permis à certaines entreprises d’obtenir la diminution de leur sanction, notamment dans le cadre des Conventions judiciaires d’intérêts publics. Ainsi, la prise de sanctions à la suite de faits constatés par l’entreprise peut être considérée comme un facteur atténuant, de même que le départ des dirigeants [5], le changement de directeur [6] ou le licenciement des salariés impliqués [7].

Les clubs sportifs ont donc tout intérêts, même en l’absence d’obligations, à mettre en place une politique de lutte contre la corruption.


[1] Cass, crim. 19 mars 2014, n°12-87.416

[2] Art. 121-2 code pénal

[3] Cass, crim, 14 mars 2018, n° 16-82.117

[4] Cass, crim, 16 juin 2021 n° 20-83.098

[5] CJIP, SAS Poujaud, 4 mai 2018

[6] CJIP, SAS Kaeffet Wanner, 15 mai 2018

[7] CJIP, SAS Set environnement, 14 février 2018

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