Acteurs sportifs et grands évènements : La manipulation des compétitions sportives

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Ce qu'il faut retenir

La manipulation des compétitions sportives peut revêtir plusieurs formes parmi lesquelles figurent le dopage, le trucage ou la corruption. L’ensemble étant pris en compte par l’Etat au travers de la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation des compétitions sportives.

Plus précisément, la manipulation des compétitions sportives donnant lieu à des paris étant un moyen pour les organisations criminelles de blanchir les produits de leurs activités illicites, celle-ci est pénalement sanctionnée.

Si les rencontres les plus médiatisées sont souvent les moins concernées par ce fléau, les organisateurs de compétitions mondiales, telles que la Coupe du monde de rugby 2023 et les JO Paris 2024, doivent tout de même demeurer vigilant et agir de manière préventive pour sensibiliser les acteurs, avec la participation des fédérations, ligues, clubs et organisateurs.

Pour approfondir

L’appréhension au niveau Européen

Le 12 décembre 2022, était promulguée la loi de ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation des compétitions sportives du 18 septembre 2014 [1]. Cette Convention, entrée en vigueur le 1er septembre 2019, définit la « manipulation des compétitions sportives » et a pour but d’organiser une lutte commune et harmonisée contre ces manipulations.

Dans cet objectif, les Etats du Conseil de l’Europe devaient mettre en place des moyens de prévention, de détection et des sanctions contre les manipulations des compétitions sportives, ainsi que des mesures visant à renforcer la coopération.

La « manipulation des compétitions sportives » était définie par la Convention comme « un arrangement, un acte ou une omission intentionnels visant à une modification irrégulière du résultant ou du déroulement d’une compétition sportive afin de supprimer tout ou partie du caractère imprévisible de cette compétition en vue d’obtenir un avantage indu pour soi-même ou autrui ».

Le 21 décembre 2017, le Projet Keep Crime Out of Sport (KCOOS) élaborait un guide visant à fournir des éclaircissements sur les concepts de base et un aperçu des défis de lutte contre la manipulation des compétitions sportives [2].

Le 8 novembre 2018, le Conseil de l’Europe affinait cette notion et proposait une mise à jour du concept de « manipulation des compétitions sportives » [3]. Il précisait que la Convention était à tort perçue comme une « Convention sur le match-fixing [4] » alors qu’en réalité elle couvre un périmètre bien plus large incluant « le dopage, le trucage, l’utilisation de clubs comme entreprises-écran, l’influence d’agents de joueurs, l’utilisation d’informations confidentielles, le conflit d’intérêts, la mauvaise gouvernance, etc. ». Il précisait également qu’il ne fallait pas entendre le terme d’« avantage » comme ayant un caractère pécuniaire mais plutôt comme ayant un caractère sportif ou non.

Cette ratification était particulièrement attendue, notamment en raison de l’organisation, en France, de la Coupe du Monde de Rugby 2023 et les JO Paris 2024. Il conviendra d’analyser les nouvelles réglementations issues de cette ratification.

L’appréhension en France

L’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) est un acteur important de la lutte contre la manipulation des compétitions sportives. Elle agit notamment par le biais du Collège, qui dresse la liste des compétitions autorisées aux paris et celle des types de paris autorisés, par le biais de la plateforme nationale et du Groupe de Copenhague.

La plateforme nationale de Lutte contre la manipulation des compétitions sportives, créée en 2016, vise à collecter et partager les informations et documents utiles, favoriser la coopération en matière de prévention, de détection et de répression mais également à sensibiliser les acteurs du sport au sujet de la manipulation des compétitions sportives [5].

Ainsi, il peut être opportun de se tourner vers cette autorité pour mettre en œuvre une stratégie de sensibilisation des acteurs au sein des fédérations, ligues, clubs et organisateurs.

Dans l’objectif de lutter contre la manipulation des manifestations sportives donnant lieu à des paris, une loi [6] de 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs créait deux incriminations particulières, codifiées au sein du code pénal [7]. Ces infractions, dont la dernière version est issue de la loi du 26 mars 2018 [8], répriment en réalité la corruption active et passive d’un « acteur d’une manifestation sportive ou d'une course hippique donnant lieu à des paris » dans l’objectif que ce dernier modifie, par un acte ou une abstention « le déroulement normal et équitable de cette manifestation ou de cette course. »

Les acteurs sportifs ne sont pas décrits par le texte et le rapport Vilotte [9] proposait d’inscrire le terme « partie prenante » - incluant les sportifs amateurs et professionnels, les arbitres, les sélectionneurs, les organisateurs, les entraîneurs, les dirigeants de clubs, etc. - mais cette terminologie n’a pas été reprise, ce qui laisse en suspens l’interprétation du terme « acteur sportif » même s’il serait envisageable de l’assimiler au terme « acteurs des compétitions sportives » [10].

Il doit ensuite s’agir de manifestations sportives donnant lieu à des paris sportifs, que la compétition soit française ou non, dès lors que l’un des faits constitutifs de l’infraction a été réalisé en France [11] ou que l’auteur est français [12].

Enfin, il doit s’agir d’offres, de promesses, de présents, de dons ou d’avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, dont l’objectif est de faire en sorte que l’acteur sportif agisse ou s’abstienne aux fins de modifier le déroulement normal et équitable de la manifestation, peu importe l’acte commis.

Cette infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Parmi leurs obligations édictées à l’article L.131-16 du code du sport, les fédérations doivent édicter des règles ayant pour vocation d’interdire aux acteurs des compétitions sportives, définis par décret [13], de réaliser des paris sportifs, de détenir des participations au sein d’opérateurs de paris et de pronostics et de dévoiler des informations obtenues dans le cadre de ses fonctions lorsque celles-ci sont susceptibles d’influencer un fait de jeu ou le résultat d’une compétition sportive.

La communication d’informations privilégiées ne constitue pas, lorsqu’il s’agit de paris sportifs, un délit d’initié sportif et n’est donc pas pénalement répréhensible. Pour autant, les fédérations, ayant pour obligation d’interdire de telles communications, doivent mettre en œuvre des sanctions disciplinaires en cas de manquements.

Mes préconisations

[1] Convention Macolin / Maggligen, 18IXV.2014 du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives du 18 septembre 2014

[2] KCOOS Guidebook 2017 : Guidebook on understanding and effectively combating the manipulation of sports competitions – 21 December 2017

[3] Convention on the manipulation of sports competitions – The Macolin Convention (CETS n°215) : Updated concept of manipulations of the sports competitions, Starsbourg, 8 November 2018

[4] Action ou pratique consistant à déterminer de manière malhonnête le résultat d'un match avant qu'il ne soit joué

[5] Article L.335-1 code du sport

[6] Article 9, Loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs

[7] Articles 445-1-1 et suivants du code pénal

[8] Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024

[9] Préserver l'intégrité et la sincérité des compétitions sportives face au développement des paris sportifs en ligne, 23 mars 2011

[10] Décret n° 2017-1834 du 28 décembre 2017 fixant la liste des acteurs des compétitions sportives visés à l'article L. 131-16 du code du sport : Il s’agit des sportifs professionnels, des sportifs de haut niveau, des sportifs amateurs dès lors qu’ils sont inscrits dans un club, les personnes participant à l’encadrement sportif médical et paramédical, les arbitres et juges, les dirigeants, salariés et membres des organes des fédérations et ligues, les dirigeants, salariés, bénévoles et membres des clubs, les agents sportifs, les avocats mandataires sportifs, les dirigeants, salariés et bénévoles des organisateurs et les dirigeants et salariés des organisations professionnelles.

[11] Article 113-2 du code pénal

[12] Article 113-6 du code pénal

[13] Décret n° 2017-1834 du 28 décembre 2017 fixant la liste des acteurs des compétitions sportives visés à l'article L. 131-16 du code du sport 

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