Responsabilité pénale de la personne morale : le représentant doit avoir une délégation

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Ce qu'il faut retenir

Le simple préposé ne peut, par ses actions, engager la responsabilité pénale de la personne morale. En effet, pour être qualifié de représentant d’une personne morale, le préposé doit bénéficier d’une délégation effective de pouvoirs de droit ou de fait [1].


[1] Cass, crim, 23 mai 2023, n° 22-83.516

Pour approfondir

Lors de travaux réalisés dans les locaux d’une agence, un salarié a souffert d’irritations aux yeux à cause des poussières et la société a été contrainte de déclarer un accident du travail. L’inspection du travail a alors diligenté une enquête et a établit un procès-verbal.

Une enquête préliminaire était ouverte à la suite et aboutissait à une relaxe en 1ère instance et à la condamnation en appel de la société à 12 amendes de 2.000 euros pour des infractions à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs.

Les juges d’appel ont considéré qu’il résultait du procès-verbal de la Direccte et d’un témoignage, qu’un salarié avait été le contact permanent de l’entreprise pour l’organisation des travaux et qu’il était donc un organe de la personne morale puisqu’il avait la qualité de préposé de la société.

La question était donc de savoir si le salarié en question pouvait être considéré comme l’organe ou le représentant de la personne morale au sens de l’article 121-2 du code pénal et si ses actes pouvaient engager la responsabilité pénale de celle-ci.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle que, pour engager la responsabilité pénale de la personne morale au sens de l’article 121-2 du code pénal, doit explicitement être identifié un organe ou un représentant qui a agit au nom et pour son compte.

Elle précise également que le représentant doit être pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires, et doit avoir reçu une délégation de pouvoirs de droit ou de fait de la part des organes de la personne morale, à savoir les dirigeants.

Elle affirme ainsi que la seule qualité de préposé ne présume pas de la qualité de représentant de la personne morale et qu’en l’absence d’identification précise de l’organe ou du représentant muni d’une délégation de pouvoirs, la responsabilité de la personne morale ne peut être engagée.

 

La nécessaire identification de l’organe ou du représentant

 Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement d’infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants [1]. Si l’organe ou le représentant n’a pas à être condamné pour engager la responsabilité de la personne morale, la relaxe de celui-ci empêche une condamnation de la personne morale [2].

L’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale suppose néanmoins la démonstration d’une faute personnelle de l’organe ou du représentant de celle-ci, et donc son identification précise. En l’absence d’indication dans la citation de l’identité précise de l’organe ou du représentant dont le comportement est à l’origine des faits susceptibles d’engager la responsabilité de la personne morale, celle-ci ne peut être condamnée [3].

 

Le préposé qualifié de représentant : L’effectivité d’une délégation de pouvoirs

La responsabilité pénale de la personne morale peut être engagée par le comportement d’un organe ou d’un représentant. La notion d’organe correspond à la personne chargée par la loi ou les statuts de son administration, de sa direction ou de son contrôle. Il s’agit donc des dirigeants, des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance mais les salariés ne peuvent être concernés. Cette notion est rappelée de manière indirecte par l’arrêt qui n’évoque que la notion de représentant, démontrant ainsi que les juges d’appel avaient fait une première erreur de définition.

S’il ne peut pas être un organe, le préposé peut en revanche être considéré comme un représentant à condition qu’il remplisse certaines conditions : celles de la délégation de pouvoirs.

Pour produire ses effets, la délégation doit répondre à certaines conditions :

La preuve de la délégation de pouvoirs incombe au dirigeant qui souhaite se dédouaner de sa responsabilité pénale, ou au parquet qui souhaite qualifier un préposé de représentant. Elle peut être rapportée par tout moyen [6].

En l’espèce, la Cour de cassation estimait que le contact permanent entre le salarié et la société réalisant les travaux était insuffisant pour démontrer l’existence d’une délégation de pouvoirs de fait, dès lors qu’aucune délégation de pouvoirs de droit n’existait.

Cette précision permet de s’assurer que la condamnation d’une personne morale ne puisse intervenir qu’en cas de comportements inappropriés de personnes à qui des pouvoirs spécifiques avaient été confiés et non à tous les préposés.


[1] Article 121-2 du code pénal

[2] Cass, crim, 21 mars 2023, n° 21-84.903

[3] Cass, crim, 11 avril 2012, n° 10-86.974 ; Cass, crim, 2 octobre 2012, n° 11-84.415 ; Cass, crim, 6 mai 2014, n° 13-82.677, n° 13-81.406 et n° 12-88.354 ; Cass, crim, 7 février 2017, n° 15-85.275 ; Cass, crim, 28 février 2017, n° 15-87.260 ; Cass, crim, 30 mars 2021, n° 20-81.030).

[4] Cass, soc. 17 novembre 1987, n° 86-92.514

[5] Cass, crim, 19 janvier 1988, n° 87-83.315 ; Cass, crim, 23 novembre 2004, n° 04-81.601 ; Cass, crim, 25 mars 2014, n° 13-80.376

[6] Article 427 code de procédure pénale

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