Les sites pour adultes peuvent se rassurer. La Cour de cassation a précisé que les activités de webcam à caractère sexuel ne relèvent pas de la prostitution dès lors qu’elles n’impliquent aucun contact physique entre la personne qui se livre à cette activité, à savoir la camgirl ou le camboy, et celle qui les sollicite via des instructions précises. En conséquence, les sites qui proposent ce service ne peuvent pas être poursuivis pour proxénétisme.
La Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques (CNAFC), dont l’objectif principal est la promotion de la famille, a déposé plainte pour proxénétisme aggravé contre plusieurs sites pornographiques qui proposaient, contre rémunération, de connecter un client à un camboy ou une camgirl pour que ces derniers aient une relation à distance à caractère sexuel.
Elle a contesté par un pourvoi devant la Cour de Cassation, un non-lieu, confirmé partiellement par la Cour d’appel en février 2021 après une information judiciaire ouverte en 2010 concernant des « faits constatés sur quatre sites français à caractère pornographique ».
Les articles 225-5 et 225-6 du code pénal incriminant le proxénétisme précisent qu’il s’agit pour quiconque, de quelque manière que ce soit, d’aider ou d’assister la prostitution d’autrui, protéger cette activité, convaincre une personne de s’y livrer, en tirer profit ou en faciliter l’exercice.
Pour rappel, si une personne est bien libre de se livrer à la prostitution, il est fait interdiction à toute personne d’exploiter cette prostitution ou d’apporter son aide à une personne se livrant à une telle activité.
Pour déterminer si l’infraction de proxénétisme aggravé est constituée, il faut impérativement définir en amont un acte de prostitution, ce que confirme la Cour : « afin de déterminer si un comportement peut être poursuivi au titre du proxénétisme, il convient, au préalable, de définir ce qui relève de la prostitution, les dispositions précitées ne la définissant pas ».
La Cour de cassation a précisé que le caming est un phénomène « consistant pour des camgirls ou camboys à proposer, moyennant rémunération, une diffusion d’images ou de vidéos à contenu sexuel, le client pouvant donner à distance des instructions spécifiques sur la nature du comportement ou de l’acte sexuel à accomplir. »
La CNAFC considère que l’activité de caming relève de la prostitution dès lors qu’elle consisterait dans le fait d’employer son corps, moyennant rémunération, à la satisfaction des plaisirs du public, quelle que soit la nature des actes accomplis quand bien même il n’y a pas de contact physique entre la personne prostituée et son client.
La prostitution n’est pas définie par la loi mais la Cour de cassation en a posé une définition en 1996 et n’est jamais revenue dessus.
Selon elle, la prostitution consiste à se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui [1].
Cette définition va à l’encontre de celle que soutenait l’association, à savoir qu’il y avait un acte de prostitution même en l’absence de contact physique entre la personne prostituée et son client. L’association souhaitait voir étendre la définition existante pour la mettre en adéquation avec le contexte lié à l’émergence d’internet et de ses dérives.
La Cour de cassation, dans cet arrêt du 18 mai 2022 [2], a retenu sa définition historique et a refusé de l’étendre, précisant que l’activité de camboy et de camgirl ne relève pas de la prostitution.
Le « caming » ne relevant pas de l’activité de prostitution, les responsables de ces sites ne peuvent pas être condamnés pour des faits de proxénétisme aggravé.
L’article 111-4 du code pénal précise que « la loi pénale est d’interprétation stricte » et la Cour de cassation, dans sa décision, rappelle ce principe en déclarant : « il apparaît que le législateur n’a pas entendu étendre cette définition, y compris à l’occasion de lois récentes pénalisant certains comportements de nature sexuel. »
Pour appuyer ses propos et démontrer que l’esprit du législateur n’est pas de sanctionner des actes sans contact physique, elle fait référence à deux articles du code pénal issus de la loi du 13 avril 2016 pour le premier et de la loi du 21 avril 2021 pour le second :
La Cour de cassation estime ainsi qu’il n’appartient pas au juge de modifier son appréciation dans un sens qui aurait pour effet d’élargir cette définition au-delà de ce que le législateur a expressément prévu et de l’esprit de la loi.
[1] Cass, crim, 27 mars 1996, n° 95-82.016
[2] Cass, crim, 18 mai 2022, n° 21-82.283