La loi de blocage a été complétée par un décret de février 2022 et un arrêté de mars 2022 désignant le Service de l’Information Stratégique et de la Sécurité Economique (SISSE) de la Direction Générale des Entreprises (DGE) comme guichet unique, à partir du 1er avril 2022, chargé de rendre un avis officiel sur les documents et renseignements dont la communication serait de nature à porter atteinte à la souveraineté, la sécurité ou les intérêts essentiels de la Nation.
Par ailleurs, l’AFEP et le MEDEF ont publié un guide commun détaillant les différents critères qui permettent aux entreprises, aidées du SISSE, d’identifier les données dites « sensibles » qu’il convient de ne pas transmettre à l’étranger dans le cadre des demandes de transmission de preuves par des autorités.
La loi dite « de blocage » [1] a été adoptée pour protéger les informations et données sensibles qui attenteraient aux intérêts de la Nation si elles étaient communiquées comme preuves à l’occasion de procédures judiciaires à l’étranger.
Cette loi vise à répondre à l’utilisation par les juridictions étrangères de procédures (à l’instar de la procédure Discovery américaine) permettant de communiquer des données stratégiques lors de procès avec des entreprises concurrentes. Ces derniers saisissent en effet de manière opportune ces juridictions pour obtenir des informations stratégiques sur leurs concurrents étrangers.
Bien que qualifiée de la loi de blocage, elle n’a pas pour objectif d’entraver toute transmission de données à des autorités étrangères mais uniquement de restreindre l’utilisation des dispositifs de type « Discovery »et d’obliger les autorités étrangères à respecter les canaux de la coopération judiciaire et administrative internationale.
Les entreprises françaises tentaient jusqu’alors en vain de l’invoquer devant les autorités étrangères mais ont souvent été contraintes de communiquer des informations en infraction à la législation pénale française. En effet, certaines autorités, à l’instar des autorités américaines et britanniques, refusent de tenir compte de l’interdiction issue de la loi française considérant que le risque pénal est presque nul. Les entreprises se trouvaient alors face à un dilemme : risquer la sanction pénale en France en communiquant les informations, ou risquer une sanction à l’étranger, souvent plus importante, encas de refus de transmission.
La loi de blocage oppose une interdiction à toute personne physique ou morale de nationalité française ou résidant habituellement en France, ainsi qu’à leurs représentants et préposés, de communiquer par quelque moyen et en quelque lieu que ce soit, des documents ou des renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des autorités publiques étrangères alors que cette communication serait de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l’ordre public.
Elle fait interdiction à toute personne de demander, de rechercher ou de communiquer par quelque moyen que ce soit, des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères.
L’objectif est ici de pousser les personnes à passer par l’entraide judiciaire internationale, tout en sachant que ne sont en principe transmises que les données en lien direct et précis avec le litige en cours ou envisagé.
La violation de cette interdiction est pénalement sanctionnée par six mois d’emprisonnement et 18.000 euros d’amende pour les personnes physiques ou 90.000 euros d’amende pour les personnes morales mais cette peine est peu appliquée.
La loi de blocage précisait que les sociétés se trouvant saisies de toute demande, concernant de telles communications, doivent informer sans délai le ministre compétent à savoir, par le passé, le ministre des Affaires étrangères. Sa saisine étant devenue inadaptée et inefficace, les entreprises prenaient la mauvaise habitude de ne plus le saisir, se tournant directement vers les bureaux d’entraide pénale ou civile du ministère de la Justice.
La loi Sapin II a confié à l’Agence Française Anticorruption la mission de veiller, lorsque le premier Ministre en fait la demande, au respect de la loi de blocage dans le cadre de l’exécution des décisions d’autorités étrangères imposant à une société dont le siège est situé sur le territoire français une obligation de se soumettre à une procédure de mise en conformité de ses procédures internes de prévention et de détection de la corruption.
Ses compétences demeurent restreintes à l’exécution d’une décision étrangère en matière de corruption.
Le décret du 18 février 2022 [2] vient en application de l’article 2 de la loi de blocage de 1968 et crée un guichet unique. Depuis le 1er avril 2022, les entreprises faisant l’objet d’une demande concernée par la loi de blocage doivent saisir le Service de l’Information Stratégique et de la Sécurité Economique (SISSE), désigné comme guichet unique.
Le SISSE est chargé de rendre des avis sur l’applicabilité de la loi de blocage au regard des enjeux de souveraineté économique de la France. Cet avis est rendu dans le délai d’un mois à compter du dépôt du dossier complet par l’entreprise, en concertation avec les ministres de la Justice et des Affaires étrangères ainsi que les ministres techniques compétents.
L’avis est officiel et peut être transmis aux demandeurs ou aux autorités étrangères, ce qui n’était pas le cas lorsque le SISSE ne faisait que prodiguer des conseils informels aux entreprises qui le sollicitaient.
L’arrêté du 7 mars 2022 [3] précise quant à lui le contenu du dossier que doivent transmettre les entreprises lorsqu’elles demandent un avis à la SISSE. Il s’agit des informations relatives à la procédure, aux activités exercées et aux principaux concurrents français et étrangers.
Le guide élaboré par l’AFEP et le MEDEF [4] en collaboration avec le SISSE donne des orientations aux entreprises en définissant les critères permettant d’identifier les données sensibles affectant la souveraineté économique de la Nation que la loi de blocage interdit de transmettre à l’étranger.
Le guide retient la méthode du faisceau d’indices par référence au préjudice susceptible d’être subi par l’entreprise et le caractère stratégique de l’entreprise et/ou de son activité (critères sectoriel et qualitatif) et non par référence au secret des affaires.
[1] Loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 ; Décret n° 81-550 du 12 mai 1981
[2] Décret n° 2022-207 du 18 février 2022
[3] Arrêté du7 mars 2022
[4] Guide à usage des entreprises d’identification des données sensibles visées à l’article 1er de la loi dite de blocage ou d’aiguillage – AFEP/MEDEF