Lanceurs d'alerte : Quelles nouvelles protections ?

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Ce qu'il faut retenir

Les lanceurs d’alerte bénéficieront d’une meilleure protection à partir du 1er septembre 2022 grâce à :

·       Une nouvelle définition du lanceur d’alerte ;

·       La création du statut de facilitateur et de personnes en lien ;

·       La modification des dispositifs internes des entreprises ;

·       La modification des canaux de signalement ;

·       L’élargissement de leurs protections ;

·       La mise en place d’un soutien financier et psychologique.

Pour approfondir

Une réécriture de la définition du lanceur d'alerte

La loi WASERMAN du 21 mars 2022 [1], modifiant la loi Sapin II du 9 décembre 2016, et qui entrera en vigueur le 1erseptembre 2022, précise que :

Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance."

S'il a été évoqué la possibilité d'accorder le statut de lanceur d'alerte aux personnes morales, la nouvelle définition demeure, à l'instar de l'ancienne définition, seulement applicable aux personnes physiques.

La définition issue de la loi Sapin II faisait ressortir la nécessité d'un agissement "de manière désintéressée" de la part du lanceur d'alerte. Cette notion pouvait, certaines fois, être préjudiciable aux lanceurs d'alerte en ce qu'elle était trop large ou trop ambigüe. En effet, le salarié ayant un intérêt moral ou financier indirect, tel qu'un avantage dans un conflit prud'homal, était désavantagé par cette définition. Désormais, le lanceur d'alerte doit seulement avoir agi "sans contrepartie financière directe" à la différence de ce qui peut être fait dans d'autres Etats comme les Etats-Unis.

Si le lanceur d'alerte devait par le passé "avoir eu personnellement connaissance" des faits qu'il signalait, la nouvelle définition permet de bénéficier de la qualité de lanceur d'alerte lorsque, dans un cadre professionnel, les informations n'ont pas été obtenues directement par celui-ci et qu'il n'en a pas eu personnellement connaissance. L'objectif était de pallier les réticences d'un certain nombre de personnes qui craignaient de signaler directement les faits. Lorsque l'on évoque le cadre professionnel, la loi précise qu'il s'agit des membres du personnel, les candidats, les actionnaires, les associés, les titulaires de droits de vote, les membres des organes d'administration, de direction et de surveillance, les collaborateurs extérieurs et occasionnels ainsi que les cocontractants et sous-traitants.

Le lanceur d'alerte peut signaler ou divulguer des informations relatives à un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général à l'instar de l'ancienne définition mais ils peuvent également signaler ou divulguer une "violation ou une tentative de dissimulation" d'une violation d'un engagement international, d'un acte unilatéral, du droit l'Union Européenne, de la loi ou du règlement alors que l'ancienne définition exigeait une "violation grave et manifeste". Cela permet ainsi d'élargir le champ d'application des informations qui peuvent être divulguées.

Pour bénéficier du statut de lanceur d'alerte, les informations signalées et divulguées ne pouvaient, dans le cadre de la loi Sapin II, aller à l'encontre du secret de la défense nationale, du secret médical et du secret des relations entre un avocat et son client. La nouvelle loi confirme l'importance du respect de ces trois secrets et y ajoute le secret des délibérations judiciaires, le secret de l'enquête et le secret de l'instruction.

La protection des facilitateurs et personnes en lien

Pour pallier l’isolement des lanceurs d’alerte et accorder une protection à ceux qui aident les lanceurs d’alerte dans leurs démarches, la loi a créé un statut de facilitateur. Le facilitateur est une personne physique ou morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation.

Outre la protection accordée aux facilitateurs, la loi permet aux personnes en lien avec le lanceur d’alerte de bénéficier également d’une certaine protection. Les personnes en lien sont les personnes physiques en lien avec le lanceur d’alerte et qui risque de faire l’objet de mesures de représailles dans le cadre de leurs activités professionnelles ainsi que les entités juridiques qu’il contrôle, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans le cadre professionnel.

La modification du dispositif d’alerte

Depuis la loi Sapin II, les personnes morales de droit privé et les entreprises employant au moins 50 salariés, les administrations de l'Etat et les personnes morales de droit public employant au moins 50 agents (à l'exception des communes de moins de 10.000 habitants) ont l'obligation de mettre en place une procédure et un dispositif interne de recueil et de traitement des signalements, après consultation des instances de dialogue. Les entreprises qui ne sont pas soumises à cette obligation peuvent néanmoins mettre en place un tel dispositif à défaut de quoi les signalements peuvent être faits auprès du supérieur hiérarchique, de l'employeur ou d'un référent.

Un décret viendra préciser les garanties d'indépendance et d'impartialité de la procédure ainsi que les délais de traitement qui doivent être respectés.

Cette nouvelle loi ne remet pas en cause cette obligation et précise qu'une mise en commun de la procédure de recueil et de traitement peut être réalisée au sein de plusieurs sociétés d'un même groupe ou au sein de plusieurs personnes morales employant moins de 250 salariés, ce qui a pour vocation de réduire les coûts de mise en place d'un tel dispositif.

Depuis la loi Sapin II, les canaux de signalement étaient répartis en trois étapes distinctes avec une obligation de recourir aux différents canaux dans un ordre précis pour bénéficier du statut de lanceur d'alerte.

Les trois canaux étaient les suivants :

  1. Un signalement obligatoire en interne ;
  2. Un signalement externe aux autorités en cas d'absence de traitement en interne ;
  3. Un signalement au grand public en cas d'inaction des autorités.

Suivant le constat que les risques de représailles et de pressions étaient souvent importants lorsque l'alerte était réalisée en interne, il devenait évident que certains signalements n'étaient pas réalisés ou que les personnes faisaient abstraction du bénéfice du statut de lanceur d'alerte en signalant les faits auprès des autorités ou du grand public, ce qui n'allait pas dans l'intérêt d'une protection.

Désormais, le lanceur d'alerte aura le choix entre réaliser un signalement en interne ou réaliser un signalement en externe auprès des autorités compétentes, de l'autorité judiciaire, du Défenseur des droits ou d'un organe européen.

L'élargissement de la protection des lanceurs d'alerte

Au-delà du dispositif d'alerte issu de la loi Sapin II, la nouvelle loi permet d'étendre les garanties offertes aux lanceurs d'alerte qui relèveraient en principe d'un dispositif spécifique de signalement extérieur à la loi Sapin II. Ces derniers bénéficieront des mesures les plus favorables de chaque dispositif ce qui permet de garantir un minimum de droits aux lanceurs d'alerte et de les mettre sur un pied d'égalité. Seul le dispositif spécifique de signalement en matière de renseignement est exclu de cette extension.

Les lanceurs d'alerte ne peuvent faire l'objet de mesures de représailles notamment la suspension, la mise à pied, le licenciement, la rétrogradation, le refus de promotion, le transfert de fonction, le changement de lieu de travail, la réduction de salaire, la modification des horaires de travail, la suspension de la formation, l'évaluation de performance ou l'attestation de travail négative, les mesures disciplinaires, la coercition, l'intimidation, le harcèlement, l'ostracisme, la discrimination, le traitement désavantageux ou injuste, la non-conversion en CDD, le non renouvellement d'un CDD, l'atteinte à la réputation, la mise sur la liste noire, la résiliation anticipée, l'annulation d'un contrat, l'annulation d'une licence ou d'un permis, l'orientation abusive. Toute mesure de représailles est nulle de plein droit à moins que la personne à l'origine de la mesure prouve que sa décision est dûment justifiée.

Le lanceur d'alerte ne peut faire l'objet d'aucune poursuite judiciaire et ne peut engager sa responsabilité civile ou pénale lorsque :

  1. Le signalement a été fait de bonne foi (responsabilité civile).
  2. Les documents confidentiels divulgués ont été licitement interceptés (responsabilité pénale).

Les procédures bâillon ont pour objectif de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux des lanceurs d'alerte, de les condamner au silence ou à la passivité ainsi que de les priver du libre accès à la justice. Les procédures bâillon sont sanctionnées d'une amende de 60.000 euros.

L’article 11 de la proposition de loi évoquait une modification de l’article 392-1 du code de procédure pénale. L’objectif était de permettre au Tribunal correctionnel, en cas de relaxe, de condamner la partie civile à une amende civile lorsqu’il a été saisi à l’issue d’une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile et qu’il estime que cette plainte était abusive ou dilatoire. Cet article a été considéré par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 17 mars 2022 [4], comme étant un cavalier législatif et a, par conséquent, été déclaré non conforme à la Constitution sur le fondement de son article 45.

Les lanceurs d'alerte bénéficient d'un soutien psychologique et financier de la part des autorités externes déterminées par décret, que l'autorité soit saisie directement ou via le Défenseur des droits. Par ailleurs, le juge peut accorder dès le début du procès civile ou pénal une provision pour frais de justice. Une provision complémentaire peut être allouée lorsque la situation financière du lanceur d'alerte s'est dégradée. Enfin, le juge peut, à tout moment, rendre ces provisions définitives même lorsque le lanceur d'alerte perd le procès.

Mes préconisations


[1] Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte

[2] Loi organique n° 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte

[3] Décision n° 2022-838 DC du 17 mars 2022

[4] Décision n° 2022-839 DC du 17 mars 2022

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