CRPC : Pas de nouvelle proposition du procureur après un échec

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Ce qu'il faut retenir

Après un premier refus d’homologation d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), toute nouvelle requête présentée par le procureur de la République visant à proposer une peine différente, doit être déclarée irrecevable par le juge homologateur.

Pour approfondir

Le contexte

Dans le cadre d’une procédure en matière de blanchiment, un géologue acceptait de reconnaître sa culpabilité pour des faits liés à l’apparition de son nom sur un trust signalé par la Nouvelle-Zélande en 2016 et sur lequel avaient été virés 17 millions de dollars canadiens en 2007, dont il ne restait que deux millions en 2018.

Le Procureur national financier indiquait que, la preuve de l’usage des fonds par le mis en cause n’était pas certaine mais qu’il apparaissait comme un prête nom, en toute connaissance de cause.

La première proposition de peine faite par le Procureur national financier le 6 juillet 2021 correspondait à six mois d’emprisonnement avec sursis, une amende de 175.000 euros et une dispense d’inscription au casier judiciaire. Celle-ci a été refusée par le juge de l’homologation en raison de la présence de la dispense d’inscription au casier judiciaire.

Le Procureur national financier a donc, le 12 octobre 2021 fait une nouvelle proposition comportant les mêmes peines sans la dispense d’inscription au casier judiciaire. Le juge de l’homologation du Tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevable cette nouvelle proposition, ce pourquoi le ministère public a saisi la Cour de cassation d’un pourvoi contre l’ordonnance de refus d’homologation pour qu’elle se prononce sur l’usage de cet outil juridique.

La procédure de CRPC

Créée en 2004 par la loi Perben II, la procédure de CRPC correspond à un « plaider coupable » à la française pour les personnes physiques majeures, poursuivies pour certains délits (sauf punis de plus de 5 ans d’emprisonnement, homicides involontaires, délits de presse et délits politiques) et ayant reconnu les faits qui leur sont reprochés. A défaut de remplir ces conditions cumulatives, la procédure de droit commun doit s’appliquer.

Cette procédure peut être directement proposée par le Procureur de la République lorsque l’individu est déféré devant lui ou par le Juge d’instruction à l’issue de l’information judiciaire.

Le procureur de la République, après s’être assuré de la reconnaissance des faits par l’auteur, en présence de son avocat, lui propose une ou plusieurs peines, qu’il s’agisse de peines d’emprisonnement (maximum 3 ans, ou la moitié de la peine encourue), de peines d’amende ou de peines complémentaires et celles-ci peuvent être prononcées avec sursis ou non, avec aménagement ou non. Le procureur de la République peut également proposer une non-inscription au casier judiciaire de l’infraction en cause.

Le prévenu peut ensuite s’entretenir librement avec son avocat et peut demander un délai de réflexion de 10 jours avant de donner sa décision, cette demande pouvant donner lieu à la saisine du Juge des libertés et de la détention par le procureur de la République et ainsi, à un placement sous contrôle judiciaire, bracelet électronique ou détention provisoire.

S’il accepte la proposition, le procureur de la République saisi le juge de l’homologation. S’il refuse, le procureur de la République saisi, sauf élément nouveau, le Tribunal correctionnel.

Lors de l’audience d’homologation, le juge homologateur peut rendre une ordonnance d’homologation ou de non-homologation et peut se prononcer sur les demandes indemnitaires de la victime.

Le refus d’homologation

Avant la loi du 23 mars 2019 [1], le refus d’homologation d’une procédure de CRPC par le juge homologateur ne pouvait être fondé que sur l’absence de reconnaissance des faits par le prévenu, le défaut d’acceptation de sa peine ou lorsque le juge considérait que la peine n’était pas justifiée au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur.

Cette loi a élargi les hypothèses permettant au juge homologateur de refuser la procédure de CRPC. Il peut donc refuser s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur l’infraction ou la personnalité de l’auteur [2].

La Chambre criminelle de la Cour de cassation [3] a également étendu les hypothèses de refus en permettant au juge homologateur de ne pas se limiter aux motifs listés par la loi mais en l’autorisant à raisonner dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Cette décision est liée à l’interprétation d’une décision du Conseil constitutionnel considérant que le juge homologateur devait exercer son plein office de juge du fond.

L’absence de recours contre l’ordonnance de refus d’homologation

L’absence de recours contre l’ordonnance de refus d’homologation d’une procédure de CRPC ne méconnait pas, selon le Conseil constitutionnel [4], le droit à un recours juridictionnel effectif dès lors que ce refus entraine le renvoi du prévenu devant le Tribunal correctionnel, à savoir une procédure de droit commun permettant d’assurer le droit à un recours effectif.

En effet, en cas d’échec de la procédure de CRPC, le procureur de la République doit, sauf élément nouveau, saisir le Tribunal correctionnel selon les modalités de l’article 388 du code de procédure pénale, dans lequel ne figure pas la procédure de CRPC, ou requérir l’ouverture d’une information judiciaire. Il ne lui est donc pas possible de saisir le juge homologateur d’une nouvelle proposition de peine.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 17 mai 2022 [5], précise que, ni le code de procédure pénale, ni aucun autre texte n’envisagent la possibilité d’un recours contre une ordonnance de refus d’homologation dans le cadre d’une procédure de CRPC sauf en cas de risque d’excès de pouvoir du juge homologateur, excès dont le contrôle relève de la compétence de la Cour de cassation.

En l’espèce, l’irrecevabilité ne correspond nullement à un excès de pouvoirs de la part du juge homologateur et celui-ci avait toute latitude pour refuser la procédure de CRPC qui lui était soumise.

[1] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice

[2] Article 495-11-1 du code de procédure pénale

[3] Cass, crim, 30 mars 2021, n° 20-86.358

[4] Cons, const, 2 mars 2004, n° 2004-492 DC Cons, const, 18 juin 2021, n° 2021-918 QPC

[5] Cass, crim, 17 mai 2022, n ° 21-86.131

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