Fusions-absorptions : La responsabilité pénale des sociétés absorbantes

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Ce qu'il faut retenir

La responsabilité pénale des sociétés absorbantes peut être engagée à la suite d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération de fusion-absorption lorsque :

·      L’opération, faite après le 25 novembre 2020, concerne des sociétés anonymes ou des sociétés par action simplifiées ;

·      L’opération permet uniquement à la société absorbée d’échapper aux poursuites pénales (fraude à la loi).

Pour s’assurer de l’absence de fraude à la loi, les juges d’instruction et les juges du Tribunal correctionnel doivent mener des investigations supplémentaires.

Pour approfondir

Le 25 novembre 2020 [1], la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendait une décision historique, totalement opposée à ses décisions précédentes. Désormais, les juges prennent en compte les réalités économiques des sociétés pour justifier ses décisions en matière de responsabilité pénale des sociétés absorbantes.

Absence de responsabilité pénale des sociétés absorbantes avant le 25 novembre 2020

Avant le 25 novembre 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considérait que le code pénal s’opposait à ce que la société absorbante puisse engager sa responsabilité pénale pour des faits commis par la société absorbée avant l’opération de fusion-absorption.

La position de la Chambre criminelle divergeait de celles des chambres civiles et commerciale, du Conseil d’Etat, de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle s’est finalement appuyée sur une décision de la Cour européenne des droits de l’homme de 2019 pour donner une décision similaire aux autres.

Responsabilité pénale limitée des sociétés absorbantes depuis le 25 novembre 2020

Dans sa décision du 25 novembre 2020, confirmé le 13 avril 2022, la Chambre criminelle modifie son interprétation du code pénal pour se conformer au droit de l’Union européenne et ce en s’appuyant sur les réalités économiques des sociétés.

Elle précise que la société absorbante peut être condamnée à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits commis par la société absorbée lorsque l’opération de fusion-absorption intervient après le 25 novembre 2020 et qu’elle concerne des sociétés anonymes et des sociétés par action simplifiées.

Elle a prévu une exception au report de son revirement en cas d’existence d’une fraude à la loi et considère que la responsabilité pénale de la société absorbante ayant procédé à une opération de fusion-absorption dans l’objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale pouvait être engagée même si l’opération a eu lieu avant le 25 novembre 2020.

Dans son arrêt du 13 avril 2022 [2], la Chambre criminelle confirme cette décision et précise que lorsque l’opération de fusion-absorption a eu lieu avant le 25 novembre 2020, la responsabilité pénale de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée peut être retenue en cas de fraude à la loi.

Dans son arrêt du 25 novembre 2020, la Chambre criminelle précise qu’il appartient aux juges du Tribunal correctionnel et de la Cour d’appel de se prononcer sur l’existence d’une éventuelle fraude à la loi en demandant, le cas échéant, un supplément d’information.

Depuis l’arrêt du 13 avril 2022, les juges d’instructions et la Chambre d’instruction doivent également rechercher l’existence d’une fraude à la loi dans le cadre des fusions-absorptions et ce, avant toute décision de non-lieu. Les juges d’instruction peuvent vérifier d’office l’existence de cette fraude mais les parties civiles peuvent également en faire la demande et, évidemment apporter tous les éléments qu’elles jugent utiles à la manifestation de cette fraude lors d’une demande d’actes ou dans le cadre des observations faites à la suite de l’avis de fin d’information.

Mes préconisations

·      Réaliser un audit pénal de la société absorbée en amont de l'opération ;

·      Négocier le montant de l'acquisition et les garanties lors de l'opération ;

·      Réaliser une enquête interne approfondie en aval de l'opération ;

·      Négocier avec le Parquet dans le cadre d'une CJIP en cas de découverte d'une infraction.


[1] Cass, crim, 25 novembre 2020, n° 18-86.955

[2] Cass, crim, 13 avril 2022, n° 21-80.653

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